Dans les premiers temps, quand on le vit commencer, les bonnes âmes dirent: C'est un gaillard qui veut s'enrichir. Quand on le vit enrichir le pays avant de s'enrichir lui-même, les mêmes bonnes âmes dirent: C'est un ambitieux. Cela semblait d'autant plus probable que cet homme était religieux, et même pratiquait dans une certaine mesure, chose fort bien vue à cette époque. Il allait régulièrement entendre une basse messe tous les dimanches. Le député local, qui flairait partout des concurrences, ne tarda pas à s'inquiéter de cette religion. Ce député, qui avait été membre du corps législatif de l'empire, partageait les idées religieuses d'un père de l'oratoire connu sous le nom de Fouché, duc d'Otrante, dont il avait été la créature et l'ami. À huis clos il riait de Dieu doucement. Mais quand il vit le riche manufacturier Madeleine aller à la basse messe de sept heures, il entrevit un candidat possible, et résolut de le dépasser; il prit un confesseur jésuite et alla à la grand'messe et à vêpres. L'ambition en ce temps-là était, dans l'acception directe du mot, une course au clocher. Les pauvres profitèrent de cette terreur comme le bon Dieu, car l'honorable député fonda aussi deux lits à l'hôpital; ce qui fit douze.
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- Victor Hugo (auteur)