On s'est massacré dans la chapelle. Le dedans, redevenu calme, est étrange. On n'y a plus dit la messe depuis le carnage. Pourtant l'autel y est resté, un autel de bois grossier adossé à un fond de pierre brute. Quatre murs lavés au lait de chaux, une porte vis-à-vis l'autel, deux petites fenêtres cintrées, sur la porte un grand crucifix de bois, au-dessus du crucifix un soupirail carré bouché d'une botte de foin, dans un coin, à terre, un vieux châssis vitré tout cassé, telle est cette chapelle. Près de l'autel est clouée une statue en bois de sainte Anne, du quinzième siècle; la tête de l'enfant Jésus a été emportée par un biscayen. Les Français, maîtres un moment de la chapelle, puis délogés, l'ont incendiée. Les flammes ont rempli cette masure; elle a été fournaise; la porte a brûlé, le plancher a brûlé, le Christ en bois n'a pas brûlé. Le feu lui a rongé les pieds dont on ne voit plus que les moignons noircis, puis s'est arrêté. Miracle, au dire des gens du pays. L'enfant Jésus, décapité, n'a pas été aussi heureux que le Christ.
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Author(s)
- Victor Hugo (auteur)