Elles jouaient dans une allée du jardin, bordée de quelques maigres arbres fruitiers. Malgré l'extrême surveillance et la sévérité des punitions, quand le vent avait secoué les arbres, elles réussissaient quelquefois à ramasser furtivement une pomme verte, ou un abricot gâté, ou une poire habitée. Maintenant je laisse parler une lettre que j'ai sous les yeux, lettre écrite il y a vingt-cinq ans par une ancienne pensionnaire, aujourd'hui madame la duchesse de—, une des plus élégantes femmes de Paris. Je cite textuellement: «On cache sa poire ou sa pomme, comme on peut. Lorsqu'on monte mettre le voile sur le lit en attendant le souper, on les fourre sous son oreiller et le soir on les mange dans son lit, et lorsqu'on ne peut pas, on les mange dans les commodités.» C'était là une de leurs voluptés les plus vives.
Search
Author(s)
- Victor Hugo (auteur)