Pendant que le vieillard regrettait, Marius s'applaudissait. Comme à tous les bons coeurs, le malheur lui avait ôté l'amertume. Il ne pensait à M. Gillenormand qu'avec douceur, mais il avait tenu à ne plus rien recevoir de l'homme qui avait été mal pour son père.—C'était maintenant la traduction mitigée de ses premières indignations. En outre, il était heureux d'avoir souffert, et de souffrir encore. C'était pour son père. La dureté de sa vie le satisfaisait et lui plaisait. Il se disait avec une sorte de joie que—c'était bien le moins; que c'était—une expiation;—que,—sans cela, il eût été puni, autrement et plus tard, de son indifférence impie pour son père et pour un tel père; qu'il n'aurait pas été juste que son père eût eu toute la souffrance, et lui rien;—qu'était-ce d'ailleurs que ses travaux et son dénûment comparés à la vie héroïque du colonel? qu'enfin sa seule manière de se rapprocher de son père et de lui ressembler, c'était d'être vaillant contre l'indigence comme lui avait été brave contre l'ennemi; et que c'était là sans doute ce que le colonel avait voulu dire par ce mot: il en sera digne.—Paroles que Marius continuait de porter, non sur sa poitrine, l'écrit du colonel ayant disparu, mais dans son coeur.
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Author(s)
- Victor Hugo (auteur)