§ Une rose dans la misère Les Misérables

—Des fois je m'en vais le soir. Des fois je ne rentre pas. Avant d'être ici, l'autre hiver nous demeurions sous les arches des ponts. On se serrait pour ne pas geler. Ma petite soeur pleurait. L'eau, comme c'est triste! Quand je pensais à me noyer, je disais: Non, c'est trop froid. Je vais toute seule quand je veux, je dors des fois dans les fossés. Savez-vous, la nuit, quand je marche sur le boulevard, je vois les arbres comme des fourches, je vois des maisons toutes noires grosses comme les tours de Notre-Dame, je me figure que les murs blancs sont la rivière, je me dis: Tiens, il y a de l'eau là! Les étoiles sont comme des lampions d'illuminations, on dirait qu'elles fument et que le vent les éteint, je suis ahurie, comme si j'avais des chevaux qui me soufflent dans l'oreille; quoique ce soit la nuit, j'entends des orgues de Barbarie et les mécaniques des filatures, est-ce que je sais, moi? Je crois qu'on me jette des pierres, je me sauve sans savoir, tout tourne, tout tourne. Quand on n'a pas mangé, c'est très drôle.

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