Ce qu'il y a de plus terrible pour le prisonnier dans les quatre murs de pierre qui l'ensevelissent, c'est une sorte de chasteté glaciale; il appelle le cachot, le castus.—Dans ce lieu funèbre, c'est toujours sous son aspect le plus riant que la vie extérieure apparaît. Le prisonnier a des fers aux pieds; vous croyez peut-être qu'il songe que c'est avec les pieds qu'on marche? non, il songe que c'est avec les pieds qu'on danse; aussi, qu'il parvienne à scier ses fers, sa première idée est que maintenant il peut danser, et il appelle la scie un bastringue.—Un nom est un centre; profonde assimilation.—Le bandit a deux têtes, l'une qui raisonne ses actions et le mène pendant toute sa vie, l'autre qu'il a sur ses épaules, le jour de sa mort; il appelle la tête qui lui conseille le crime, la sorbonne, et la tête qui l'expie, la tronche.—Quand un homme n'a plus que des guenilles sur le corps et des vices dans le coeur, quand il est arrivé à cette double dégradation matérielle et morale que caractérise dans ses deux acceptions le mot gueux, il est à point pour le crime, il est comme un couteau bien affilé; il a deux tranchants, sa détresse et sa méchanceté; aussi l'argot ne dit pas «un gueux»; il dit un réguisé.—Qu'est-ce que le bagne? un brasier de damnation, un enfer. Le forçat s'appelle un fagot.—Enfin, quel nom les malfaiteurs donnent-ils à la prison? le collège. Tout un système pénitentiaire peut sortir de ce mot.
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Author(s)
- Victor Hugo (auteur)