§ Immortale jecur Les Misérables

Cosette avait Marius, Marius possédait Cosette. Ils avaient tout, même la richesse. Et c'était son oeuvre. Mais ce bonheur, maintenant qu'il existait, maintenant qu'il était là, qu'allait-il en faire, lui Jean Valjean? S'imposerait-il à ce bonheur? Le traiterait-il comme lui appartenant? Sans doute Cosette était à un autre; mais lui Jean Valjean retiendrait-il de Cosette tout ce qu'il en pourrait retenir? Resterait-il l'espèce de père, entrevu, mais respecté, qu'il avait été jusqu'alors? S'introduirait-il tranquillement dans la maison de Cosette? Apporterait-il, sans dire mot, son passé à cet avenir? Se présenterait-il là comme ayant droit, et viendrait-il s'asseoir, voilé, à ce lumineux foyer? Prendrait-il, en leur souriant, les mains de ces innocents dans ses deux mains tragiques? Poserait-il sur les paisibles chenets du salon Gillenormand ses pieds qui traînaient derrière eux l'ombre infamante de la loi? Entrerait-il en participation de chances avec Cosette et Marius? Épaissirait-il l'obscurité sur son front et le nuage dans le leur? Mettrait-il en tiers avec deux félicités sa catastrophe? Continuerait-il de se taire? En un mot serait-il, près de ces deux êtres heureux, le sinistre muet de la destinée?

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